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Chronique d’un ultra – Clément : Mort pour l’OM. Mort pour sa passion.

Mis à jour le - Publié le

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Dans la nuit du mercredi 22 au jeudi 23 septembre 2021, sur le chemin du retour du match qui venait d’opposer l’OM à Angers, un minibus transportant des supporters de l’OM, membres des Fanatics Marseille 1988, a percuté un camion sur l’autoroute A85. Le bilan est lourd. Clément, 23 ans, a perdu la vie. Huit autres supporters ont été blessés, dont trois grièvement. Joueurs, dirigeants et supporters olympiens ont logiquement rendu hommage à Clément. Mais beaucoup d’observateurs ont été surpris par les nombreux messages de soutien dans de nombreux stades en France et même en Europe. Le mouvement ultra a rendu hommage au jeune dragon (surnom donné aux membres des Fanatics). Il n’y a pas de rivalité dans la douleur quand un ultra meurt dans l’exercice de sa passion. Explications…

 

Réveil difficile

Jeudi matin, la nouvelle tombe. L’OM vient de perdre l’un des siens. L’onde de choc se propage rappelant le drame du 23 août 2008, le jour où Imad et Lahcen, membres des MTP, avaient trouvé la mort sur la route du Havre dans un accident de bus. Les groupes de supporters marseillais, dont certains se sont retrouvés sur les lieux du drame, ont rapidement témoigné leur soutien. Les MTP ont déployé un message « Clément repose en paix » sur le cours Lieutaud.

Les témoignages de tout horizon se sont succédés toute la journée. De son côté, l’Olympique de Marseille a publié un communiqué pour adresser toutes ses condoléances à la famille du défunt et aux Fanatics. Alvaro Gonzalez a publié sur les réseaux sociaux une vidéo avec des mots forts : « Il a perdu sa vie pour nous ».

L’hommage du Stade Vélodrome

Trois jours après le drame, le dimanche 26 septembre à 21 heures, l’OM reçoit le RC Lens au Stade Vélodrome. Tous les groupes de supporters marseillais vont rendre un vibrant hommage à Clément, à commencer bien évidemment par ceux qui ont été touchés en plein cœur, les Fanatics. Le bâchage a débuté plus tôt que d’habitude dans leur zone du Virage De Peretti. Dès 15h20, ils chantent déjà pour leur frère, tous de noir vêtu derrière une bâche et un portrait de Clément. Puis, vers 17h30, les Fanatics organisent un cortège aux alentours du Stade Vélodrome, tous regroupés derrière le message « Clément, à jamais Fanatics ».

Comme le veut la tradition quand les virages sont en deuil, toutes les bâches des groupes de supporters se sont drapées de noir. Les hommages vont s’enchaîner. Les joueurs rentrent à l’échauffement avec un t-shirt « Clément, à jamais Fanatics ». Le Président de l’OM, Pablo Longoria, va directement dans le Virage Depé pour déposer une gerbe. Côté Fanatics, une voile avec le portrait de Clément est déployée à l’entrée des deux équipes sur la pelouse. Côté South Winners, un tifo papier fera jaillir un immense Clément sur le haut du Virage Sud. Plusieurs messages apparaissent chez les autres groupes : « Clément : adessias e van en pas » (Adieu et repose en paix), « Soutien aux familles, aux blessés et aux Fanatics ! », « Un dragon s’est envolé dans le paradis marseillais, repose en paix Clément », « Clément, on ne t’oubliera jamais ». Tout au long de la soirée, de puissants « Clément, Clément » résonnent dans le Stade Vélodrome. Marseille a rendu hommage à son enfant comme il se doit.

L’hommage du mouvement ultra

Les hommages de la part des groupes de supporters ultras se sont multipliés pendant plusieurs jours dans la plupart des stades de France et même d’Europe. Ce fut aussi le cas des supporters adverses dans le parcage visiteurs du Vélodrome. Les Lensois ont régulièrement scandé le nom de Clément à l’unisson avec les supporters marseillais et ont affiché un « RIP Clément ». Quelques jours plus tard en Ligue Europa, les fans turcs du Galatasaray ont eux aussi brandi un message dans leur parcage du Vélodrome malgré les vives tensions et les nombreux incidents.

Souvent décrié, souvent sali par les autorités et les médias, le mouvement ultra a montré une belle image de solidarité envers les Fanatics. De nombreux « RIP Clément » et « Soutien aux Fanatics » ont fleuri aux quatre coins du pays comme à Strasbourg, Sochaux, Dijon, Brest, Nantes, Auxerre, Nîmes, Pau, Le Havre, Caen, Troyes, Amiens, Clermont… Ce fut aussi le cas en Europe, du côté de Liège (Belgique), St Pauli (Allemagne), Séville (Espagne), Crémone (Italie)… Même si tous les messages de soutien ont la même importance et la même symbolique, je voulais mettre en avant ceux des groupes de supporters de St Etienne, Bordeaux, Lyon et du PSG qui résument à merveille cette solidarité dans la douleur malgré les très fortes rivalités.

Magic Fans St Etienne : « Clément, une nouvelle étoile au paradis des ultras. Soutien aux blessés et aux Fanas ».

Ultramarines Bordeaux : « Au delà des rivalités, repose en paix Clément ».

Bad Gones Lyon : « La mort n’a pas d’écharpe, RIP Clément ».

Collectif Ultras Paris : « On insulte pas un mort, qu’il soit bon ou mauvais, dans mon camp ou dans le tien, qu’il repose en paix. RIP Clement ».

Pourquoi cet hommage du mouvement ultra ?

Beaucoup d’observateurs qui ne connaissent pas le mouvement ultra sont restés étonnés par ces nombreux hommages. Pourquoi autant de messages des supporters rivaux pour Clément ? Pourquoi d’autres supporters marseillais décédés n’ont pas eu le même hommage ?

A quelques jours d’intervalle, la famille olympienne a été malheureusement frappée par la disparition de René Maville et de Clément. René Malville était lui aussi un supporter de l’OM mais il n’a pourtant pas eu le même hommage de la part des groupes de supporters marseillais, il n’a pas eu de messages dans les stades en France. Il n’est pas question ici de qualifier l’un ou l’autre de vrai ou de faux supporter de l’OM. La nuance n’est pas là.

Un supporter de l’OM est un supporter de l’OM, qu’il soit de Marseille ou d’ailleurs, qu’il soit d’un groupe ultra ou non. René Malville était un supporter très médiatique (sa minute chez nos confrères du Phocéen, la radio, la télévision) mais il n’était pas un ultra. René Malville est mort d’une saloperie de maladie. Clément est mort à 23 ans dans l’exercice de sa passion. Clément est mort en allant supporter l’OM en déplacement. Clément est mort pour l’OM. La nuance est là.

J’ai été au cœur du mouvement ultra pendant des années avec les South Winners, j’ai notamment à mon actif trois Grand Chelem. Un Grand Chelem, c’est quand tu ne loupes aucun match au Vélodrome et en déplacement sur une saison toutes compétitions confondues. Pour réaliser cela, au-delà de l’amour pour ton club et ta passion, il faut faire de nombreux sacrifices. Des sacrifices financiers. Des sacrifices professionnels. Des sacrifices familiaux.

Partir en déplacement, base du mouvement ultra, n’est pas sans risque. Tu dois rester attentif, surtout en Europe quand tu es en terre ennemie, tu dois surveiller tes arrières et surtout protéger la bâche de ton groupe. Il y a eu des drames en déplacement, l’un des plus marquants a été le meurtre de Brice Taton, en septembre 2009, supporter du Toulouse Football Club, violemment agressé à Belgrade en marge du match de football de son équipe face au Partizan. Brice est décédé quelques jours plus tard des suites de ses blessures. Le mouvement ultra avait été touché par ce drame, les supporters marseillais n’avaient pas oublié de rendre hommage à Brice avec des messages et des tifos.

La route, ennemi numéro 1 des ultras

Faire des déplacements c’est aussi affronter la route toute l’année. Tu avales les kilomètres en bus, tu traverses la France, l’Europe. En moyenne, un supporter marseillais adepte du Grand Chelem peut avaler entre 25 000 et 30 000 kilomètres de route sur une saison. A titre de comparaison, le tour complet de la Terre mesure 40 000 kilomètres. Le risque d’accident est réel. Ce fut malheureusement le cas en août 2008 avec le tragique accident du bus des MTP et la mort d’Imad et Lahcen. Ce fut donc encore le cas avec Clément en septembre 2021.

Un ultra ne peut pas rester insensible à un tel drame. Car un ultra qui vit sa passion le sait. Cette route est joyeuse 99,99 % du temps quand nous sommes fiers, entre frères, de monter dans notre bus pour représenter notre club de coeur et notre groupe. Cette putain de route qui en quelques secondes peut prendre la vie d’un des nôtres. Qui n’a pas cette appréhension quelques secondes au moment du départ ? Qui n’a pas eu un moment d’angoisse quand le bus fait un freinage, un écart de route ? Cette appréhension existera toujours même après des années et des années de déplacement. Ma dernière année au cœur du mouvement ultra, je quittais chaque semaine mon fils qui n’avait même pas un an pour vivre ma passion et encourager l’OM. Chaque fois que je l’embrassais sur le front, en partant de mon domicile pour rejoindre le local des Winners pour prendre le bus, je pensais, les larmes aux yeux, à cette hypothèse de l’accident. Une fois dans le bus, tu n’y penses plus. L’excitation du déplacement prend bien évidemment le dessus. Mais le risque, lui, est toujours là.

Clément, Imad, Lahcen, Brice. Nous sommes tous de la même famille. Cette famille tant décriée, une famille avec des rivalités mais une famille solidaire dans la douleur. Cette famille, c’est celle du mouvement ultra.

Nous ne vous oublierons jamais.
Morts pour leur club.
Morts pour leur passion.

Reposez en paix.


Matthieu FRANCESCHI

Twitter : @FranceschiMatt
Instagram : @matt.franceschi

Matthieu Franceschi a été au coeur du mouvement ultra pendant plusieurs années. Ancien membre actif des South Winners, il a notamment réalisé les plans de certains tifos au Stade Vélodrome dont le fameux tifo face au PSG en avril 2015. Matthieu parlera dans sa chronique du supportérisme marseillais et du mouvement ultra en général.


 

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