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Edito OM

LE MALAISE VÉZIRIAN…

Par Thierry Audibert - Publié le - Mis à jour le
Frank McCourt
Frank McCourt
Exclusive - Olympique de Marseille (OM) Frank McCourt

« Ainsi, pour briser Jobi, le sorcier vaudou, diplômé de la jungle sacré, l’avait envoûté avec un rêve trop beau. Méditez là-dessus, fidèles… ». Livre de Jobi, Henri-Frédéric Blanc.

Grosse bouche ?

À Marseille, quand un individu annonce régulièrement des choses qui n’arrivent jamais, il est qualifié de « grosse bouche » par son entourage, y compris par ses meilleurs amis.

Thibaut Vézirian, depuis le mois de février 2021 a pris des positions qui, du fait de l’absence de leur réalisation, inciteraient la plupart des hommes normalement constitués à se mettre durablement dans un grand trou en attendant que cesse de souffler sur eux le terrible vent de la honte. Ce que font parfois les grandes bouches quand elles se font coincer par les évènements.

Une stratégie ?

Invité lundi dernier sur le plateau du FC Marseille, il s’est livré à un habile jeu oratoire pour se dégager des pinces d’opprobre placées sur lui et son image depuis que le temps s’est mis à courir derrière l’annonce de l’imminence de la vente de l’OM au Prince et homme d’affaires saoudien Al Walid Bin Tallal.

Si on se livre à un simple décodage, il reste pour l’instant sur la stratégie qui est la sienne depuis que les délais s’écroulent sans que le moindre signe concret n’intervienne en faveur de son annonce de vente, laquelle avait mis le feu dans la communauté des amoureux de l’OM, tellement vivante et passionnée qu’elle offre parfois à ceux qui s’y exposent et ne travaillent qu’à leur seul profit sans rien produire de convaincant, des gains de notoriété non négligeables.

Quelle est cette stratégie ? Elle est très simple ! Ne pas se renier et se redonner du temps. C’est comme dans un de ces jeux que je suis trop vieux pour pratiquer, quand tu es mort et que tu rachètes des vies.

Il nous dit d’abord qu’il a produit un travail sérieux avant de décider qu’il était temps de lancer l’info. Des contacts fiables dans les milieux d’affaires l’auraient alerté alors qu’il se trouvait dans un moment de calme professionnel en raison du Covid. Il aurait été préalablement renseigné par un gars, dans un vestiaire au sortir d’un Five (match de foot à 5 contre 5 pratiqué en salle).

Ce qui pose question, et Nico Filhol qui a dignement animé l’émission, il faut le souligner, l’a interrogé là-dessus, je trouve d’ailleurs qu’il a très bien posé les débats, ce sont les raisons pour lesquelles l’info n’aurait pas fuité depuis février si des gens, dont le nombre devrait logiquement croître, sont véritablement au courant de la négo et de son caractère très avancé. Qu’est-ce qui ferait que Vézirian soit le seul journaliste élu de la nébuleuse à disposer de cette nouvelle retentissante que serait la vente de l’OM à Al Walid Bin Tallal ? On pouvait comprendre en février qu’il ait pu prendre ses confrères de vitesse, ce qui l’aurait incité à précipiter sa publication avec sa fameuse vidéo sur YouTube, mais six mois après, cela laisse interrogateur, sauf à considérer que les autres journalistes, pourtant tous partis à la chasse par la suite, et tous revenus « brocouilles » seraient de bien sombres imbéciles. Presque sournoisement, il n’hésite pas au passage à nous confier que d’autres personnes seraient au courant, en haut lieu, dans des cercles fermés où lui seul aurait accès, qui en seraient presque à le féliciter d’avoir trouvé la porte d’entrée du monde merveilleux des secrets.

Il est trop court pour ma part de justifier être le seul à disposer de l’info et d’en maintenir la certitude en arguant avoir eu la chance d’être en contact avec les bonnes personnes, de mettre en avant un passé professionnel à TF1 et LCI, d’objecter l’absence d’une recherche particulière de buzz, et d’estimer ne pas mériter les tombereaux d’insultes qui pleuvent sur lui régulièrement.

Une mince défense

Ce qui est gênant à mes yeux, c’est qu’en verrouillant sa position, il se contente invariablement de proroger à moindre frais la réalité de ce qu’il a annoncé.

Je suis un bon professionnel, j’ai bien travaillé, je suis sympathique, regardez comment je reste serein, je ne cherche pas le buzz, je kiffe la communication avec tout le monde, et vous verrez bientôt que j’ai raison, et puis épargnez-moi, je suis un mec tranquille qui kiffe juste le foot et en plus je suis père de famille, voilà définitivement la position de Vézirian.

J’adore aussi sa façon de nous conseiller de bien analyser la situation, que tout serait sous nos yeux, qu’il suffirait de bien regarder et nous penserions alors qu’il ne peut qu’avoir raison, imbéciles que nous sommes. Position définitive, pas tout à fait…

Pour la première fois lundi, sur le plateau du FC Marseille, Vézirian a soulevé l’idée que si la vente pour une raison ou une autre, ne pouvait se réaliser, il n’hésiterait pas à faire une vidéo pour le dire, que ce serait normal. Il avait au préalable rappelé que cette affaire dépassait le simple cadre du foot, qu’elle avait des implications politiques de très haut niveau, que la coordination des timings rencontrait des complications compréhensibles, oubliant au passage qu’en février, lorsqu’il annonçait la transaction, ces étapes semblaient avoir été déjà dépassées, et que sans forcément les négliger, elles ne pouvaient retarder la fameuse vente, au pire, que de quelques semaines.

Étudier plutôt que condamner

Alors, le but de ce billet n’est pas de faire le procès de Thibaut Vézirian contre lequel je n’ai rien en tant qu’homme, et dont je veux une fois de plus rappeler que je l’ai défendu dans ces mêmes colonnes alors qu’il prenait la foudre à un moment où, pour le moins, personne ne pouvait savoir s’il disait la vérité ou non. Il s’agit plutôt de l’étudier.

Il dit SA vérité, du moins l’affirme-t-il à un instant où il nous est possible de lui contester ce mot valeureux de vérité.

On peut toutefois se poser la question de savoir pourquoi, alors qu’il ne chercherait pas le buzz, qu’il n’aurait rien à gagner dans cette affaire où il avance avoir déjà tout dit et laisser désormais travailler le temps qui offrirait bientôt une résolution en sa faveur, il continue de soutenir sa thèse dans ses vidéos et à s’inviter sur un plateau, marseillais qui plus est, car l’invitation au départ ne vient pas du FC Marseille mais a été proposée au site qui l’a acceptée.

Pourquoi rajouter des pièces selon l’expression consacrée quand il ne s’est rien passé de neuf qui puisse confirmer ce qu’il avance ? Pourquoi, si ce n’est reconquérir une grosse partie d’une crédibilité perdue, était-elle si haute au départ, qui ne se maintient désormais qu’auprès de ceux qui restent convaincus qu’il y a une vente en cours et passent pour quelques-uns d’entre eux beaucoup de temps à traquer des signes objectifs étayant leurs certitudes ?

Quelques mots pour ceux qui le croient

Quelques mots pour ceux qui ont fait de Vézirian, et de Manteghetti (lequel a choisi de se taire et d’attendre, ce que je comprends mieux) les porte-étendards d’une vérité cachée, parmi lesquels on compte des gens très pointus et disposant de compétences qui leur permettent de développer des points de vue pertinents qui servent bien plus Vézirian, en le nourrissant, que ce qu’ils servent à l’arrivée de la vérité elle-même, laquelle pourrait se borner à ce qui est observable : McCourt a plus que multiplié les déclarations selon lesquelles il n’est pas vendeur, il continue d’assumer les frais olympiens et a rebati un projet qui peut encore redresser la trajectoire mortelle dans laquelle une truffasse à lunettes menait le club. La plupart se livrent avec passion à cette recherche de l’info cachée dans l’ombre et je veux les assurer de toute mon estime, je ne les mélange pas à d’autres qui ont fermé leurs comptes twitter les uns après les autres après avoir multiplié les paris hasardeux sur les délais.

Oui, j’ai pensé moi aussi que si on jouxtapose un certain nombre de paramètres objectifs concernant la situation financière du club, on ne pouvait aller que vers une vente. J’ai cru que McCourt était un quasi clochard qui n’avait plus de ressources pour porter l’OM. Qu’il paraissait drôlement lourdaud en affirmant vouloir tenir ce club pendant des générations encore. J’ai observé que les seuls qui avaient les moyens de racheter le plus grand club du monde, à mes yeux, étaient les saoudiens, qu’ils étaient les seuls à même de le doter des enveloppes conséquentes pour un recrutement de haut niveau. J’ai noté que leur tentative d’achat de Newcastle avait échoué et qu’ils pouvaient basculer sans problème leur dispositif sur l’OM, surtout dans le contexte de rivalité avec le Qatar que nous décrivent régulièrement les spécialistes du moyen-orient. De plus, et beaucoup oublient de le rappeler, leur projet dans le rachat de Newcastle reposait en partie sur Pablo Longoria devenu entretemps rien de moins que le Président de l’OM. Je passe sur les tours de passe-passe financier, le recrutement de Frio dont on nous affirme qu’il ne serait pas dû aux seuls beaux yeux de l’OM actuel, ce qui fait amplement pleurer les miens, quand je place ce club au-dessus de tout et de tous.

Mais voilà, on a beau mettre tout ça bout à bout, entendre et réentendre Thibaut Vézirian nous dire que « c’est fait », que dans les fameux milieux autorisés chers à Coluche la cause est entendue. Dans la réalité rien n’adhère, l’aïoli ne tient pas dans le mortier et pour le journaliste free-lance cela pourrait même virer à la mauvaise mayonnaise.

Car au bout du compte, c’est professionnellement que les choses pourraient mal tourner pour lui. « J’ai travaillé pour différentes boites, je n’ai jamais laissé un ennemi derrière moi » a-t-il affirmé par deux fois ce lundi. Comme s’il rôdait déjà son prochain entretien d’embauche. Dans un monde normal, les employeurs attendraient de savoir s’il aura eu finalement raison ou non et comment il se sera sorti de l’affaire. Mais le monde des médias n’est pas particulièrement normal. Il est même devenu un peu fou et éclaté selon Vézirian lui-même.

On peut toujours, quand on s’est créé une audience, positive ou négative peu importe, « parlez de moi en bien ou en mal, l’essentiel est que vous parliez de moi » disait l’autre, obtenir un jeton pour débattre artificiellement de tout et de rien sur un plateau d’Arthur, d’Hanouna, ou bien d’Estelle Denis, qui ont le secret pour distraire le chaland entre deux pages de publicité.

Mais il est à craindre pour Vézirian, qu’il ait du mal à se dépêguer de son annonce intempestive de février 2021. On peut penser qu’il tente aujourd’hui de faire tomber la pression, vainement si j’en crois les commentaires que j’ai pu lire.

Je suis curieux désormais de voir comment il va tracer sa route.

Il a fait état au FC Marseille des soucis que cette affaire lui posait dans son métier, sans vraiment s’étaler. Mais après tout c’est son problème et bien entendu que je n’ai pas à me poser en procureur ou en juge, ni même à lui souhaiter le malheur et la disgrâce. Que même il se fiche complètement de ce que je peux dire ou penser.

Il a bien le droit d’affirmer ce qu’il veut. Pourquoi pas nous annoncer demain que les illuminatis existent et qu’il a réalisé la première interview de l’un de leurs plus éminents représentants, dont il ne pourrait bien entendu nous révéler l’identité pour protéger ses sources ? Qui pourrait vérifier ? Nous sommes finalement devant un procédé vieux comme le monde, depuis ce jour où Moïse est parti tout seul au sommet du Mont Sinaï pour en redescendre avec le décalogue sous les bras, affirmant détenir de Dieu lui-même les tablettes sur lesquelles il était inscrit. Y croire ou pas, telle est la question.

Mais c’est aussi mon droit de dire ce que j’en pense, en conseillant moi aussi à quiconque s’érigerait violemment contre mon point de vue, de passer à autre chose, de respirer un bon coup et d’éviter de me lire.

En fait, cette histoire est intéressante sous l’angle de l’éthique du journalisme et l’utilisation que l’on fait de sa carte de presse. Nicolas Filhol a très bien fait de placer les choses sur ce plan. Car entre ceux qui annoncent un peu trop vite et ceux qui considèrent que des vérifications supplémentaires s’imposent avant de sortir une info, surtout quand elle menace d’être aussi retentissante, ce dont TV a maladroitement fait mine de s’étonner (non, vraiment ?), ma préférence se dirige toujours vers ces derniers. Il en va simplement du respect de son auditoire. Et du respect, je n’en trouve pas dans l’exposé qu’a réalisé Vézirian en répondant aux bonnes questions de Nico et des spectateurs du FC Marseille. Respect des supporters de l’OM, respect de son métier et de la crédibilité de sa carte de presse.

Comment ne pas incliner, plus le temps passe, vers une sorte de pari à risque, à partir d’une information pas aussi étayée qu’il ne l’affirme et dont il commence à donner le spectacle de sa gestion. Observons-le !

Être sympathique, répondre aux gens, prétendre vouloir tout mettre sur la table, ne procure pas toujours un collier d’immunité.

Et puisque le mot bienveillance est plus que jamais à la mode, hypocritement à la mode, porté aux frontières du galvaudage, je vous avoue souhaiter qu’il ait raison au bout du compte… même si le projet mené aujourd’hui sous la direction de Longoria, avec des finances limitées me passionne aussi.

J’ai bien conscience d’avoir été très long dans ce billet, d’autant que c’est un moment pris sur mes congés alors que je suis allongé sur un transat dans un petit coin de paradis. Mais je ne vous cache pas qu’il me fallait une fois pour toutes réfléchir sur ce malaise que produit en moi cette histoire. Malaise que semblent aussi partager nombre de ses pairs qui s’interdisent par respect confraternel de manifester publiquement le moindre reproche. N’étant pas journaliste moi-même, je peux plus facilement m’affranchir de cette réserve.

Malaise de regarder Thibaut Vézirian à chacune de ses apparitions désormais comme un entomologiste le ferait avec un insecte au cours d’une expérience, lequel serait plongé dans un liquide quelconque, et il s’agirait de savoir et d’observer comment il va s’en sortir… s’il s’en sort. À cette différence près que ce n’est pas moi qui l’a placé dans cette situation inconfortable dans laquelle il nous explique bien se sentir.

Mais il n’y a rien de grave après tout, le monde regorge de mauvaises nouvelles ces derniers temps, et il ne faut pas oublier de mettre cette affaire à sa juste place, toute petite. Je tiens donc à conclure par un sourire… car même à Marseille, la grosse bouche peut servir et tout est bien qui finit bien :

Mais où tu as vu qu’à Marseille tu dois faire un coup d’éclat pour être respecté ? Tu ouvres ta grande bouche, tu gestifies, trépides, éructes, tu fulmines, tu moulines, tu strombolises, tu tapes du point sur la table, pas trop fort tu vas renverser le pastis, et c’est bon, tu peux continuer à porter ta figure ». Livre de Jobi, Henri-Frédéric Blanc

Vive le grand Roger Magnusson

Thierry B Audibert

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