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Entourage, mental, contexte… Pourquoi les cas « à la Lihadji » sont si difficiles à gérer ? (Dossier FCM)

Publié le - Mis à jour le
La rédaction de Football Club de Marseille est composé de journalistes suiveurs de l'OM (olympique de Marseille) depuis plus de 10 ans. Nos journalistes couvrent l'actualité de l'OM et du mercato OM quotidiennement.
Marseille Isaac Lihadji during friendly game between Rangers and Marseille on July 14, 2019 in Glasgow. Photo : Jeff Holmes / PA Images / Icon Sport

Premier article de notre dossier consacré à la formation à l’Olympique de Marseille. Focus aujourd’hui sur les innombrables difficultés se trouvant sur le chemin des « pépites » en quête de carrières professionnelles…

 

 

There’s a new “pépite” in town : Isaac Lihadji ! Le jeune ailier, pas encore majeur ni titulaire en N2, attire déjà les regards de milliers de supporters olympiens. La faute aux médias, aux réseaux sociaux mais également à une industrie footballistique résolument tournée vers la jeunesse et ses millions potentiels. Si personne (ou presque) ne connaissait Michel Araai au même âge, Isaac Lihadji est déjà plus populaire que ne l’étaient à leurs sommets nombre d’honnêtes et solides trentenaires de la division 1 des années 90.

 

 

Problème, pour le supporter marseillais, le storytelling autour de sa pépite est carrément négatif. Des négociations qui semblent être rompues, des craintes de départs gratuits vers d’autres clubs, bref encore un minot incapable de se montrer reconnaissant envers son club formateur ! Prêt à aller monnayer son talent ailleurs.

 

 

De l’extérieur, avec un nombre d’éléments réduits à disposition, il est difficile de contester cette version. De l’intérieur, les rouages d’une industrie complexe et sans pitié se dévoilent là où ne devraient encore exister que le rêve. Car oui, Isaac Lihadji aime l’OM et voudrait y évoluer mais c’est loin d’être le seul élément déterminant dans ce genre d’histoires…

 

 

De l’importance (et la définition) de « l’entourage »…

 

 

Parlez avec n’importe quel formateur de ce dont a besoin un jeune pour devenir professionnel et souvent, avant même d’évoquer le talent, il vous parlera de “l’entourage.”

 

 

“Les difficultés à prendre en compte en centre de formation ? L’entourage ! C’est primordial dans la réussite scolaire ou sportive d’un enfant. Après c’est pareil partout à Valenciennes, à Châteauroux ou à Marseille. Une fois qu’un jeune est exposé, ça le met en position de pression très forte avec l’entourage, les agents.” David Le Frapper, ex-entraîneur de la réserve de l’OM et précédemment éducateur à Châteauroux et Valenciennes – Source : FC Marseille

 

« À cet âge-là, c’est l’affectif qui est prépondérant. L’affectif de la famille, l’affectif des amis, celui que l’on va porter à quelqu’un qui se présente comme conseiller, agent, etc. À mon époque, on avait deux, trois interlocuteurs maximum. On gérait limite nous-même nos carrière. Aujourd’hui, il y a trop de monde dans le football de jeunes. Les garçons sont parfois déboussolés car il y a trop de personnes qui leur envoient des informations contradictoires voire illusoires. L’agent peut même intervenir sur la famille pour agir ensuite sur le gamin. Après ça, tout ce qui participe d’un discours raisonnable est balayé. J’espère que Lihadji aura une belle carrière mais pour le moment, il a déjà rêvé au delà de ce qu’il a prouvé. Il est en décalage avec ce qu’il doit faire.” Christian Caminiti, ex-joueur OM (74-84), éducateur dans les centres de formation de Martigues, Troyes et Al-Jazira – Source : FC Marseille

 

 

Car la chasse à la pépite est une chasse sauvage qui se pratique dans une véritable jungle.
Un enfant de 13, 14 ans, talentueux balle au pied, évoluant à un bon niveau même dans un club mineur peut déjà avoir été la cible de plusieurs approches différentes de la part d’intermédiaires en tous genres. Ces intermédiaires, pas toujours spécialisés, peuvent être bien intentionnés et agir pour le bien du joueur. Mais ces “bien intentionnés” ne font pas forcément toujours le poids face aux chanteurs de sérénade ayant déjà à leurs actifs quelques “hits.” Et bien sûr sous le bras, des offres financières (supposées) parfois alléchantes à très court terme même s’ils vont à l’encontre du désir primaire du joueur.

 

 

Entre alors en jeu le choix de la famille (premier cercle de « l’entourage ») qui se doit de garder les pieds sur terre malgré les millions agités sous son nez. Savoir distinguer le bon intermédiaire qui fera décoller la carrière de son enfant sans lui mettre la pression tout en restant imperméable à l’attrait des euros, la mission de la famille est cruciale. Les parents, les frères, les sœurs ou les cousins n’ont pourtant, dans la majorité des cas, reçu aucune formation leur permettant de naviguer avec succès sur ce terrain miné.
L’enfant tapant simplement avec talent dans un ballon est déjà devenu un enjeu financier….

 

 

De l’importance de la prépa mentale…

 

 

Alors justement, la clé ne serait-elle pas d’offrir une stabilité émotionnelle à l’enfant afin de l’aider à se concentrer sur son activité sportive et les choix extra-sportifs à faire pour ne pas gâcher sa carrière débutante ? C’est encore l’entourage, et la famille principalement, qui va la plupart du temps aiguiller (ou non) le jeune vers un préparateur mental.

 

 

“Il y a un entretien obligatoire avec un psychologue clinicien (du sport) mais il n’y a pas d’accompagnement sur la durée au centre de formation. C’est pour ça que je suis amené, moi, à accueillir au sein du pôle méditerranéen de médecine du sport des jeunes du centre de formation de l’OM soit à l’initiative des parents soit le sportif lui-même. (…)
C’est au moment de l’entrée dans le centre de formation que l’accompagnement doit se faire. En tant que professionnel, l’accompagnement doit continuer mais le travail de fond doit être fait dès le plus jeune âge. C’est à ce moment qu’il faut leur apprendre à se protéger, qu’ils doivent comprendre ce qu’ils font là. Comprendre aussi ce qu’ils sont capables de faire. Se protéger des éléments incontrôlables (médias, réseaux sociaux, choix de l’entraîneur, etc) et se concentrer sur ce qu’ils contrôlent.
Il m’est arrivé aussi d’accompagner les parents pour leur expliquer par quels étapes ils vont passer et quel est leur rôle.” Ismaël Guedi, préparateur mental – Source : FC Marseille

 

 

Même s’il ne s’agit pas d’une solution miracle régulant par exemple d’un coup de baguette magique le marché des intermédiaires, la béquille est séduisante pour mettre de l’ordre dans certaines têtes en surchauffe. Pourtant la présence de ces spécialistes psychologiques pour le sport reste très limité en centre de formation. Si certains coachs, comme David Le Frapper, sont favorables à leur intégration au sein de leurs staffs, d’autres sont plus mitigés.

 

 

“Il faut faire attention à ce qu’ils ne prennent pas la place de la famille. La famille reste le plus important. Après parfois la notion d’accompagnement n’est pas pleinement assurée par l’entourage immédiat, il y a alors une forme de vide. Ce vide est alors souvent occupé par “certaines personnes.” Donc le fait d’accompagner les gamins par un préparateur mental ou un psychologue peut être une bonne idée.
Mais n’importe qui peut donner un bon conseil ou un mauvais conseil. Je ne suis pas persuadé que telle ou telle personne soit mieux habilitée, au club il y a toujours des personnes qui peuvent être référent pour donner le bon conseil au bon moment. Ça peut être un ancien pro, un dirigeant, un coach et c’est certain que la notion de “préparateur mental” peut faire un peu peur chez les joueurs.” Jean-Claude Giuntini, sélectionneur national des U17 – Source : FC Marseille

 

Même si Giuntini n’est pas complètement réticent aux préparateurs mentaux et qu’il précise qu’il y a bien des psychologues dans les Pôles Espoirs de la FFF, notamment pour accompagner les très jeunes quittant leurs foyers, il met le doigt sur un point important : la perception par les joueurs du préparateur mental.
Dans un milieu extrêmement compétitif, consulter un préparateur mental peut être vu comme une faiblesse, comme un sujet de railleries. Alphousseyni Sané, ancien pensionnaire du centre de formation de l’OM, nous l’explique.

 

“A l’OM, ils ont essayé de placer un préparateur mental mais il n’a même pas fait un mois. Peut-être que ce n’était pas important pour eux. Mais pour moi c’est très important ! C’est compliqué de remonter la pente tout seul. Un coach mental peut t’aider à le faire.
Au centre, quand on a ces petits moments où on est mal, un coach mental aurait pu nous remotiver. J’ai connu des joueurs très forts qui lâchaient mentalement car ils n’avaient pas de suivi. J’avais un ami, c’était le plus fort de notre génération. Mais sur le terrain, il s’énervait rapidement. Le coach lui a demandé d’aller voir un coach mental et on en rigolait. On n’avait pas conscience que c’était important dans la progression d’un joueur. On était jeunes. C’est avec l’expérience que tu réalises que c’est important.” Alphousseyni Sané – Source : FC Marseille

 

Un marché dérégulé, des adolescents ou très jeunes adultes soumis à des choix pas toujours éclairés (la famille) ou pas toujours désintéressés (intermédiaires), le tout sans garde-fous pour garder les pieds sur terre, le tableau n’est guère reluisant. Heureusement, le talent fini toujours par l’emporter. N’est-ce pas ? 

 

 

De l’importance du contexte sportif favorable…

 

 

 

Survoler les débats en centre de formation ne signifie pas forcément faire carrière en pro. Il faut donc parvenir à appréhender au mieux l’environnement extérieur mais… également savoir saisir sa chance lorsqu’elle se présente. Si elle se présente…

 

 

Marley Aké illustre cette capacité à tirer le maximum du contexte sportif l’entourant. Il ne donnait guère satisfaction l’an dernier en attaque en N2 lors de la première partie de saison. Certains dirigeants poussaient même en interne pour le voir sortir du onze. Le natif de Béziers a alors eu la chance de pouvoir compter sur un staff technique croyant fort en ses capacités. Il a bossé à l’entraînement, retrouvé la confiance et effectué une excellente seconde partie de saison. À son retour de vacances, après la signature de son premier contrat pro, il a logiquement intégré l’équipe A grâce à ses performances mais aussi à la faveur d’un coach (Villas-Boas) ayant compris la nécessité structurelle de faire jouer les produits de la formation locale.

 

 

D’autres n’ont pas eu ce contexte pour eux ou ont été les victimes de vilaines blessures au mauvais moment. Bref, une fois éliminés les contraintes extérieures, une carrière ne tient toujours finalement qu’à un fil. Devenir footballeur professionnel est extrêmement difficile sur et en dehors du terrain. L’Olympique de Marseille essaie actuellement de construire un contexte sportif favorable à l’éclosion de nouveaux professionnels. Dommage que certains ne capitalisent pas là-dessus…

 

 

Mourad Aerts et Azir Said Mohamed Cheik

 

 

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