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ITW Dossier : « Il est impossible pour un club d’essayer d’écarter durablement ses propres supporters »

Publié le - Mis à jour le

 

Pierre Barthélémy est avocat au barreau de Paris et défenseur de l’Association Nationale des Supporters. Devant l’important nombre de polémiques accolés aux groupes de supporters marseillais, nous avons souhaité lui poser quelques questions. Il nous éclaire sur la réalité juridique d’un certain nombre de faits.

 

 

 

Ce n’est pas à Marseille que la gestion des supporters est la plus difficile

 

 

 

Les supporters marseillais font beaucoup parler dans les médias nationaux mais sont-ils parmi les plus difficiles à gérer pour les pouvoirs publics ?

 

 

Pierre Barthélémy : « Les supporters marseillais sont très visibles dans les médias car ils soutiennent l’un des clubs les plus populaires et médiatiques en France. Ils sont souvent plutôt nombreux en déplacement. Ils ont aussi la particularité d’avoir connu une gestion d’une ampleur unique en France de la billetterie des virages. Ce qui en fait aussi un point d’attention.

 

Pour autant, ils ne sont pas spécialement plus difficiles à gérer que d’autres pour les pouvoirs publics. Les situations où des groupes de supporters majeurs d’un club ont été dissous ou auto-dissous présentent davantage de difficultés à encadrer pour les pouvoirs publics (par exemple, Paris, Nice, Saint-Etienne) car il leur faut identifier des interlocuteurs sans légitimité institutionnelle. Il en va de même des cas où des groupes sont en conflit entre eux au sein d’un même club (comme cela a été le cas, à l’extrême, à Paris) ou en conflit avec le club (dernièrement, par exemple, à Paris, à Nantes ou à Metz).

 

 

De manière générale, les facteurs clés d’une gestion facilitée des supporters sont la présence d’interlocuteurs identifiés et l’existence d’un dialogue régulier entre les groupes de supporters et les clubs. Ce n’est pas à Marseille que ces points posent le plus de problèmes. »

 

 

 

 

 

 

Puisque l’on parle d’emballement médiatique et de supporters marseillais, on doit forcément revenir sur le cas Évra. Personne ne semble avoir réellement pris au sérieux la requête des ultras niçois de traiter le joueur comme un français standard s’étant rendu coupable de violence dans une enceinte sportive (avec IdS de deux ans, etc).
Légalement parlant, cette demande peut-elle être fondée ?

 

 

Pierre Barthélémy : « Juridiquement, Patrice Evra aurait pu être poursuivi pour avoir commis l’infraction prévue à l’article L. 332-6 du code du sport, id est le fait de provoquer, par quelque moyen que ce soit, des spectateurs à la haine ou à la violence lors d’une manifestation sportive. Cette infraction est punie au maximum d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

 

Il encourrait, par ailleurs, une interdiction judiciaire de stade pouvant aller jusqu’à cinq années, assortie éventuellement d’une obligation de pointage au commissariat à chaque rencontre de l’OM et de l’Equipe de France. Cela ressort de l’article L. 332-11 du code du sport.

En attendant que cette éventuelle procédure pénale n’aboutisse, il aurait pu encourir de la part du Préfet le prononcé d’une interdiction administrative de stade d’une durée maximum de deux ans (assortie éventuellement de la même obligation de pointage) pour avoir troublé l’ordre public par la commission d’un acte grave lors d’une manifestation sportive (article L. 332-16 du code du sport). »

 

 

 

Le fait que cette requête ne soit considérée sérieusement par personne confirme t-il le statut particulier des ultras, qui semblent être les seuls à ne pas avoir droit à l’erreur autour d’une enceinte sportive ? Les seuls acteurs à devoir également respecter scrupuleusement le Code du Sport alors que les manquements à ce code du sport pour les agents, par exemple, sont largement tolérés…

 

 

Pierre Barthélémy : « Hélas, il existe effectivement le sentiment que ces infractions ne peuvent être commises que par les supporters, et plus précisément ceux des tribunes populaires. Les pouvoirs publics auront plutôt tendance à considérer, à tort, que les mêmes comportements commis par des joueurs, entraîneurs ou salariés des clubs relèvent davantage des sanctions sportives de la commission de discipline de la Ligue de Football Professionnel.

 

Bien des clubs et la Ligue de Football Professionnel n’ont aucun scrupule à porter plainte contre des supporters pour un fumigène qui n’aura causé aucun trouble, alors que dans le même temps ils n’analyseront que de manière disciplinaire, sportive ou salariale un acte de violence commis par un joueur, même sans aucun lien avec le jeu. »

 

 

La commission de discipline classe sans suite les dossiers dans lesquels les clubs ont déposé des plaintes pénales nominatives contre leurs supporters

 

 

L’Olympique de Marseille a sanctionné le Virage Sud d’un huis clos partiel en Europa League à l’été dernier afin d’offrir une image de sévérité à la LFP qui s’apprêtait à statuer sur l’utilisation de fumigènes lors du dernier match de la saison précédente. Est-ce un comportement fréquent chez les clubs français ?

 

 

Pierre Barthélémy : « On constate en effet que les clubs ont de plus en plus tendance à prendre dans la précipitation des mesures de restriction contre leurs propres supporters en espérant l’indulgence ultérieure de la commission de discipline de la Ligue de Football Professionnel.

 

Mais, en réalité, les clubs ont juridiquement une obligation de résultat en matière de manifestations sportives dont ils sont organisateurs. C’est-à-dire que même s’ils ont déployé d’importants moyens pour prévenir tout incident de la part de leurs supporters, les clubs peuvent être sanctionnés par la commission de discipline dès lors qu’intervient un incident.

 

 

Pour autant, il s’est mis en place une sorte de doctrine officieuse : la commission de discipline classe sans suite les dossiers dans lesquels les clubs ont déposé des plaintes pénales nominatives contre leurs supporters. Partant de là, lorsque les clubs ne savent pas identifier les supporters concernés, ils ont tendance à essayer d’obtenir un classement sans suite en frappant avant la commission de discipline et parfois plus fort contre leurs propres supporters, même aveuglément. Ce qui est profondément malsain.

 

 

On l’a vu à Metz où le club a sanctionné tout le groupe de la Horda pour des pétards lancés par des supporters extérieurs au groupe. On le voit à Dijon où le club interdit aux Lingon’s Boys de déployer des tifos tant qu’ils n’auront pas dénoncé celui qui a allumé un fumigène. Cette doctrine de la commission de discipline est en train d’anéantir les efforts de dialogue entre clubs et supporters.

 

 

Elle crée des situations d’injustice et conduit souvent les clubs à franchir les limites de la légalité. Elle instaure un climat de défiance et de délation. Et souvent les clubs ne sont même pas payés de leurs « efforts » puisque la commission de discipline les sanctionne tout de même. Notamment car cette commission semble parfois surtout préoccupée par sa propre image médiatique et veut donner le sentiment qu’elle combat fermement tout incident, tel un sheriff au far-west.

 

 

C’est ce qu’il ressort de la dernière interview du président de cette commission de discipline dans la presse : il promettait de tout faire pour prévenir ces incidents (confondant ainsi son rôle de commission de discipline intervenant a posteriori avec celui des forces de l’ordre intervenant a priori), dénonçait un prétendu sentiment d’impunité des supporters (qui sont pourtant gazés, matraqués, interdits de déplacements de manière collective alors que 99 % d’entre eux sont irréprochables) et accusait les clubs dialoguant avec leurs supporters d’être des complices des débordements. »

 

 

Sans respiration collective des supporters, sans dialogue serein et constructif avec le club, l’affluence s’érode

 

 

Enfin, une dernière question plus rhétorique qu’autre chose. Connaissant bien le contexte parisien, pensez-vous qu’une gestion identique des supporters est possible à l’OM tout en continuant à assurer un remplissage satisfaisant du stade ?

 

 

Pierre Barthélémy : « Je ne maîtrise pas assez la situation marseillaise pour exprimer un avis précis. Ce qui est certain c’est que le modèle parisien des années 2010 à 2016 ne peut fonctionner nulle part sur le long terme. Il est efficace pour faire le ménage à un instant t quand la situation est devenue hors de contrôle. Mais il est impossible pour un club d’essayer d’écarter durablement ses propres supporters, constitués en groupes ou associations.

 

 

Le fonctionnement actuel du PSG avec un groupe de supporter unique paraît difficilement transposable à Marseille où il existe de nombreux groupes, avec une longue histoire et des sectorisations variées et devenues presque sacrées.

 

 

De toute façon, partout, le remplissage des stades est la combinaison de nombreux éléments : notamment les performances sportives, le prix des abonnements et des billets mais surtout la qualité du dialogue entre le club et les poumons des tribunes que sont les groupes de supporters.

On a bien vu à Paris que les deux premiers ne suffisent pas : acheter Ibrahimovic et garder une politique tarifaire pas trop inflationniste permet de remplir le stade à court terme, mais sans spectacle aussi en tribune, sans respiration collective des supporters, sans dialogue serein et constructif avec le club, l’affluence s’érode, quels que soient performances sportives et prix des billets. Les supporters ne sont pas des consommateurs comme les autres. Aller au stade n’est pas simplement assister à un spectacle : c’est aussi y prendre part. Un supporter réduit au rôle de spectateur finira par rester chez lui. »

 

Tous propos recueillis par Mourad Aerts

 

 

Dossier « Quel futur pour les groupes de supporters dans l’OM champions Project ? » 

 


Article I : Augmenter le prix des abonnements en virages, mauvaise idée commerciale ?


 


Article II : ITW : « Le match au stade n’est pas un simple divertissement pour des clients »


 


Article III : Attirer en loges grâce aux Virages ?


 


Article IV : ITW  : « Pas sûr qu’augmenter le prix des places soit la bonne stratégie… »


 


Article V : Violences, garde à vue, IdS, une journée en enfer pour un supporter de l’OM


 


Article VI : ITW : « Il est impossible pour un club d’essayer d’écarter durablement ses propres supporters »


 

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